Page 36 - Les chemins de fer impériaux d'Alsace-Lorraine (extraits)
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Les passeports et
l’affaire Schnaebelé
En 1887, les relations entre la France et l’Empire alle-
mand sont particulièrement tendues depuis la nomina-
tion du général Boulanger comme ministre de la Guerre.
Chantre de la « revanche », Boulanger est un partisan
décidé d’une guerre contre l’Allemagne. Dans ce but, il
intensifie l’activité d’espionnage et utilise notamment
des agents civils à cette fin. C’est le cas de Guillaume
Schnaebelé, commissaire de police français, en fonction
à Pagny-sur-Moselle, gare frontière entre Metz et Nancy.
Rapidement, les services de renseignements allemands
découvrent que Schnaebelé est un espion. Ils décident
alors de lui tendre un piège. Le 20 avril 1887, alors que
Schnaebelé fait seul les cent pas de part et d’autre de la
frontière, il est appréhendé par des policiers allemands
déguisés en ouvriers agricoles.
Très vite, l’affaire fait grand bruit et débouche sur l’esca-
lade politique tant souhaitée par Boulanger. Finalement,
la guerre est évitée de peu. Les responsables politiques
français, jusqu’alors assez naïfs, découvrent à quel point L’affaire Schnaebelé et la crise du boulangisme tiennent
Boulanger représente une menace pour la sécurité du l’opinion publique française et allemande en haleine durant
plusieurs mois. Jamais depuis la guerre de 1870, la situa-
régime et du pays même. D’autant que l’affaire Schnaebelé
cache une autre beaucoup plus grave, véritable « casus tion diplomatique n’avait été aussi tendue entre les deux
pays. Lorsque les journaux relatent les différents incidents,
belli » en droit international. Les services allemands ont
l’objectivité n’est pas toujours de mise, comme en témoigne
en effet démantelé une « cinquième colonne » organisée
cette lithographie montrant des douaniers allemands aux
de son propre chef par Boulanger et composée d’une mines patibulaires contrôlant les passeports à la gare fron-
cohorte d’espions français opérants en Alsace-Lorraine. tière d’Avricourt.
Echaudé, le Chancelier Bismarck propose à l’Empereur 1887 wird General Boulanger zum französischen
de renforcer les contrôles aux frontières. A compter du Kriegsminister ernannt. Boulanger will Revanche
22 mai 1888, tous les étrangers venant de France et dési- an Deutschland nehmen und Elsaß-Lothringen wie-
dererobern. Nach mehreren Zwischenfällen – insbeson-
rant traverser l’Alsace-Lorraine doivent présenter un
dere im Grenzbahnhof Pagny-sur-Moselle – spitzt sich
passeport de moins d’un an visé par l’ambassade d’Alle- die politische Lage zu. Bismarck sieht sich gezwungen,
magne à Paris. La mesure, destinée à endiguer l’espion- an der deutsch-französischen Grenze vorübergehend die
nage et l’agitation pro-française en Alsace-Lorraine a
Paßpflicht einzuführen. Durch diese Maßnahme wird
des conséquences très fâcheuses sur les échanges trans- der grenzüberschreitende Verkehr für mehrere Monate
frontaliers: le trafic des voyageurs recule fortement. beeinträchtigt.
Alors que le trafic direct avec la France s’élève à environ
561 000 voyageurs durant l’exercice 1887-88, il chute
d’un bon tiers lors de l’exercice suivant.
Les menaces de guerre
Heureusement, la situation diplomatique se détend pro-
gressivement. En avril 1890, la Compagnie des chemins
de fer de l’Est et l’EL entament des discussions afin de Après le Traité de Francfort, les relations diploma-
rétablir les trains supprimés faute de voyageurs. Une tiques entre la France et l’Allemagne demeurent
première mesure est prise deux mois plus tard : les voya- très tendues et beaucoup sont convaincus de l’im-
geurs en transit sont désormais exemptés de l’obligation minence d’une nouvelle guerre. En tout cas, cette
er
de présenter un passeport. Le 1 octobre 1891, toutes les éventualité est prise très au sérieux. De part et
restrictions sont levées et le trafic retrouve les niveaux d’autre de la frontière, les services de renseigne-
des périodes antérieures à la crise. ments épient les moindres faits et gestes de l’adver-
saire potentiel.
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